L’impact des changements climatiques sur les cultures de maïs, de soja et de sorgho

Le scientifique, Jonathan Proctor, revient sur les résultats d’une recherche sur les impacts des variations de température et d’humidité du sol.

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Martine Painchaud

Rédactrice, journaliste et stratège en communication

Les changements climatiques devraient accroître considérablement la variance des rendements du maïs, du soja et du sorgho dans la plupart des zones cultivées mondiales, avec des conséquences préoccupantes pour la sécurité alimentaire.

Un scientifique canadien, Jonathan Proctor de l’Université de Colombie-Britannique, vient de publier les résultats d’une recherche visant à quantifier les impacts sur la variance des rendements de ces trois céréales due aux variations de température et d’humidité du sol. Le Coopérateur s’est entretenu avec lui.

« Nous avons constaté quantitativement que, pour chaque degré de réchauffement par année, la variabilité annuelle des rendements augmente de 7 % pour le maïs, de 19 % pour le soja et de 10 % pour le sorgho. Cela signifie que les récoltes deviendront plus variables et oscilleront davantage entre les bonnes et les mauvaises années à l’avenir qu’elles ne le sont actuellement. »

Les chercheurs ont choisi de concentrer leurs analyses sur ces trois céréales, car elles sont importantes pour la production alimentaire mondiale, tant en matière de consommation humaine directe qu’en termes d’approvisionnement en nourriture pour l’alimentation animale.

« Notre objectif est de comprendre comment le changement climatique impactera les rendements d’une année à l’autre. Nous avons adopté cette perspective, car les agriculteurs et les sociétés ne vivent pas du rendement moyen, ils vivent de la récolte qu’ils produisent chaque année. Ainsi, un choc important sur une année, même si l’année suivante est vraiment bonne, peut signifier une perte de moyens de subsistance pour les agriculteurs et une augmentation des prix des denrées alimentaires pour le consommateur. »

L’agriculture devient encore plus risquée

L’agriculture a toujours été une activité risquée, mais une plus grande volatilité des rendements annonce un nouveau défi pour les agriculteurs qui devront composer avec plus d’incertitude encore et un risque accru.

Globalement, la volatilité augmente parce que le changement climatique réchauffe les conditions de croissance et, dans le cas du maïs, du soja et du sorgho, les plantes sont plus sensibles aux variations de température.

« Le changement climatique rend la température de la saison de croissance plus variable et elle fluctuera davantage d’une année à l’autre. De plus, et là est le point central de notre étude, les années chaudes et les années sèches se succéderont plus fréquemment. Autrement dit, ces facteurs se combineront davantage au lieu d’agir indépendamment, ce qui entraînera d’importantes pertes de rendement et une variabilité accrue d’une année à l’autre. »

Quelles solutions pour les agriculteurs?

Évidemment, d’un point de vue global, la solution la plus simple et la plus sûre est de réduire les émissions de carbone, car moins nous émettons, moins le climat se réchauffe et moins la variabilité des rendements augmente. Pour ce qui est des solutions possibles à la ferme, la sélection de variétés adaptées en est une à privilégier. L’étude de Jonathan Proctor révèle que l’irrigation est aussi un moyen efficace de réduire la variabilité interannuelle.

« Nous constatons que l’irrigation des cultures réduit considérablement cette variabilité. Des investissements supplémentaires dans l’irrigation, là où l’eau est disponible de façon durable, pourraient donc réellement atténuer ces dommages. On sait que, mondialement, seulement 20 % environ de l’agriculture est irriguée ; cette solution ne convient donc pas à tous, mais elle peut être très efficace dans les régions ayant accès à l’eau. » En effet, l’irrigation en grandes cultures peut s’avérer hors d’atteinte en raison de la dimension des superficies cultivées et de l’enjeu du manque d’eau.

En Montérégie, les agriculteurs manquent d’eau

Alors que l’irrigation des cultures devient un enjeu majeur, le manque d’eau en Montérégie fait les manchettes : la nappe phréatique dans le grenier du Québec atteint des niveaux inquiétants pour la disponibilité de l’eau et il devient de plus en plus difficile de trouver de l’eau pour irriguer la production maraîchère. Des agriculteurs ont même été obligés d’abandonner des cultures, cet été.

Selon le chercheur, d’autres mesures, comme la sélection de meilleures semences et la modification des pratiques agricoles pour accroître la résilience des sols, deviennent des solutions à privilégier. Certaines semences sont plus résistantes à la sécheresse, par exemple, ce qui permet de développer des variétés de maïs qui, en période de sécheresse, permettent aux plantes de continuer à pousser plus facilement. Mais ce ne serait pas une solution viable à long terme.

« Le développement de semences résistantes à la sécheresse a parfois favorisé des semis plus denses. Si on plante beaucoup plus de maïs, les semences résistantes à la sécheresse augmentent le rendement moyen sans pour autant rendre les plantes plus résistantes à la sécheresse. Si on en plante davantage, cela permet à certaines d’entre elles de survivre. Mais lorsqu’on a beaucoup de plants, ils consomment l’eau plus rapidement. »

Ainsi, même si le génie génétique contribue à améliorer le rendement et demeure extrêmement utile pour augmenter le rendement moyen, son utilisation n’a pas autant permis de réduire la variabilité.

« Nous travaillons actuellement sur la façon de s’adapter en modifiant ses cultures. Honnêtement, nous n’avons pas encore les réponses, mais restez connectés », lance M. Proctor.

Appel aux agriculteurs québécois

Les recherches menées à l’Université de Colombie-Britannique ont pour objectif d’aider les agriculteurs à comprendre l’évolution des risques auxquels ils sont confrontés et de permettre aux décideurs politiques de saisir l’ampleur des défis présents et à venir.

Entretemps, Jonathan Proctor est activement à la recherche d’agriculteurs canadiens qui souhaitent partager leur point de vue, leurs expériences, leurs idées.

« Si vous cultivez du maïs et du soja, j’aimerais beaucoup en discuter. J’ai étudié ce problème d’un point de vue mondial, en analysant les rendements historiques, l’imagerie satellite et les températures, et je m’intéresse au point de vue des agriculteurs individuels. L’imagerie satellite est un excellent outil qui nous permet d’aller au-delà des vagues de chaleur pour étudier l’humidité du sol. C’est là que nous progressons; il est donc important pour les agriculteurs de connaître cette technologie. »

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