Des producteurs néerlandais de poireaux et d’oignons font du biocontrôle, plantent de l’alysson maritime, des fines herbes et des fleurs indigènes, pour se débarrasser des ravageurs, tout en favorisant la bioversité. Voyons comment!
Petites fleurs blanches, grands résultats
Chez Mertens, distributeur des produits de biocontrôle de Koppert, l’agronome Ruud van Bommel louange la punaise prédatrice Orius majusculus qui s’attaque aux thrips dans les poireaux, les alliacées et la laitue. Pour nourrir de pollen l’insecte zoophage, on transplante en même temps que les poireaux une bande de petites fleurs blanches odorantes et attractives, l’alysson maritime (Lobularia maritima), une brassicacée.
Pour effectuer les deux ou trois lâchers saisonniers de punaises voraces, on a patenté un applicateur monté derrière un tracteur, qui dépose les insectes bénéfiques sur le rang d’alysson. « Les producteurs bloquent souvent sur la logistique de mise en œuvre, la faisabilité à grande échelle des bandes fleuries », rappelle l’entomologiste et chercheuse d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, Annie-Ève Gagnon. Ici, les Néerlandais ont solutionné ce frein.
À la clé, jusqu’à neuf applications d’insecticide en moins chez la dizaine de producteurs de poireaux qui utilisent cette technique, qui montre des résultats satisfaisants sans être parfaits, « mais les insecticides ne sont pas parfaits non plus », mentionne Ruud van Bommel. Les insecticides entrainent souvent des cercles vicieux : on tue tous les insectes, les ravageurs aux cycles biologiques plus rapides reviennent en force, en décalage face aux prédateurs qui mettent du temps à se reconstituer, sans parler des autres bébittes utiles. « On a observé des syrphes dans l’alysson, qui préfèrent s’alimenter de pucerons que de thrips », s’enthousiasme-t-il. Pour Jessica Fraser, candidate au doctorat en entomologie à l’Université de Montréal, la distribution géospatiale de bandes étroites à intervalle de 16 mètres est une idée intéressante en comparaison aux massifs floraux en essai sur quelques fermes québécoises.
Fines herbes et fleurs indigènes
À Kieldrecht, les thrips causent du souci à Bert Anné de la ferme du même nom. Même si sa rotation sur six ans – blé, betterave, lin, pomme de terre, pâturin des prés pour la semence et oignon – est exemplaire, les insectes piqueurs-suceurs se mêlent des oignons du producteur, causent du dépérissement.
Pour une quatrième saison, l’homme teste deux stratégies pour attirer des prédateurs de thrips dans son plat pays : une bande de vivaces et une bande d’annuelles semée au début octobre le long de ses alliacées, qui fait la largeur du semoir à céréales (4 mètres) sur 600 mètres de longueur. Particularité : la bande est perpendiculaire aux vents dominants et favorise la propagation des insectes bénéfiques et du pollen. La ferme située dans la zone portuaire d’Anvers a bénéficié de leur contribution financière pour réduire les insecticides dans cette région de digues et de polders qui permettent la culture sous le niveau de la mer, mais d’autres subventions gouvernementales existent, à hauteur d’environ 1200 euros l’hectare.
Dans sa bande, Bert Anné a semé à 15 kilos par hectare d’un mélange diversifié de 26 espèces aux proportions variant de 1 à 10 % dans le mélange, dont quelques légumineuses, mais aussi des fines herbes et des fleurs indigènes.
Pour doper les effets des insectes, un projet de recherche s’intéresse à deux applications de pollen de quenouille le long de cette bande fleurie pour nourrir les insectes moins mobiles. Menée en collaboration avec l’entreprise BioBest et le chercheur Felix Wäckers, « cette expérience a donné des effets tranchés au couteau », atteste Bert Anné, qui pouvait dire où les insectes suralimentés de pollen ont réussi à contrôler les thrips.
« Si on compare la bande fleurie et l’apport de pollen aux insecticides, on a obtenu des oignons 8 % plus gros et 15 % fois plus pesants. Dans le premier traitement, on arrivait à baisser la population de 30-40 thrips à 0-5 dans des comptages sur 10 plants d’oignon, alors qu’avec les insecticides, les comptages pouvaient aussi passer à 0-5 thrips par 10 plants, mais être aussi élevés que 675! », illustre Felix Wäckers, qui explique cette différence par la spirale négative des insecticides, qui annihilent toutes les bestioles, bonnes et mauvaises.