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Les yeux dans les étoiles

Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) se veut formel : le réchauffement climatique résulte des activités humaines et nous nous dirigeons vers un point de bascule. De toute évidence, nous devons amorcer une transition, donner un coup de barre. Nous le savions déjà. Mais que faire? Voilà un défi éminemment complexe. Et devant la complexité, nous nous sentons impuissants. Et ça devient une fatalité.

Mais peut-être pas.

On pourrait imaginer autre chose. Aller ailleurs. Quitter ces profondes ornières dans lesquelles nous semblons nous enfoncer chaque jour davantage. Certes, ce n’est pas facile. Dans son livre Le défi de l’imagination : Comment résoudre les problèmes de l’avenir?, le politologue canadien Thomas Homer-Dixon soulignait, il y a 20 ans déjà, le fossé qui sépare le besoin urgent d’imaginer des solutions et notre capacité à générer cette imagination. Dit autrement, l’humanité serait… en panne d’imagination. 

C’est que nous préférons nous sentir rationnels. Ne commençons-nous pas toutes nos réflexions stratégiques par une base de faits bien fouillée? Mais en nous focalisant sur les faits, sur ce qui est noté, observé, voire prouvé, notre base de réflexion se limite à ce qui est déjà arrivé. Nous sommes dans le passé. C’est un excellent point de départ pour nous améliorer, mais ce ne sont pas les meilleures conditions pour créer du nouveau. 

Pour franchir les limites du raisonnement déductif, il faut retrouver cette belle liberté d’imaginer, de rêver et de croire qu’on peut y arriver. Aujourd’hui, tout bouge tellement vite et les systèmes sont tellement imbriqués les uns dans les autres – ce qui provoque des réactions en chaîne – que notre connaissance des choses du passé n’est plus suffisante. Il faut faire appel au monde des idées. 

« Garde les yeux dans les étoiles et les pieds sur terre. » Cette maxime, attribuée à Theodore Roosevelt, ancien président des États-Unis, nous rappelle l’importance de l’imagination. Il faut sortir des cadres usuels pour suivre des pistes inédites et créer du nouveau. Il faut lever les yeux vers les étoiles. Car l’imagination est la voie d’accès au champ des possibles. Lequel est infini. 

Nous avons peut-être oublié le mode d’emploi, nous sommes peut-être en panne d’imagination, soit. Mais ensemble, nous pouvons réactiver cette faculté de l’esprit. Collectivement. En coopérant. Dans un contexte pluriel, inclusif et convivial, afin de bénéficier d’un effet d’entraînement, de l’enrichissement mutuel des idées et de l’appropriation de nouvelles visions par une collectivité motivée. 

Le mathématicien et biologiste Martin A. Nowak a brillamment fait la démonstration que la coopération a été le principal architecte de quatre milliards d’années d’évolution. Toujours à l’œuvre, depuis les premières cellules bactériennes, la coopération a constamment créé du nouveau : des cellules supérieures, la vie multicellulaire complexe, les superorganismes et (j’en passe), enfin, l’humanité... La coopération, dit-il, a toujours attiré le vivant vers des niveaux d’organisation plus sophistiqués et efficients. Pourquoi, alors, ça s’arrêterait aujourd’hui? Comme Nowak, je crois que la coopération demeure le meilleur espoir pour l’avenir de l’humanité. 

Dans cette perspective, les coopératives sont appelées à jouer un rôle de premier plan. Rappelons d’abord qu’elles ont souscrit aux objectifs de développement durable de l’ONU dès 2016, à l’occasion du Sommet international des coopératives. Mais au-delà du geste symbolique, les associations coopératives sont surtout de précieux réservoirs de coopération et, par extension, du pouvoir créatif de la coopération. 

N’avaient-ils pas les yeux dans les étoiles, ces tisserands anglais qui, se rebellant contre le capitalisme sauvage, ont fait le rêve fou d’ouvrir un magasin qui allait leur appartenir, qu’ils allaient administrer eux-mêmes et qui saurait répondre à leurs besoins? Que de moqueries ont-ils essuyées, eux qui n’avaient que quelques sous en poche! Et pourtant, l’innovation qui en a résulté, la Société des équitables pionniers de Rochdale, avec son éthos et son mode d’action, a fait boule de neige : aujourd’hui, plus de 12 % de la population mondiale adhère à une coopérative. 

Assurément, ces pionniers avaient les yeux dans les étoiles. Et ça ne les a pas empêchés de garder les pieds sur terre. 

Colette Lebel

QUI EST COLETTE LEBEL
Colette a occupé le poste de directrice des Affaires coopératives chez Sollio Groupe Coopératif. Elle collabore au Coopérateur depuis plus de 20 ans.

colette.lebel@lacoop.coop

colettelebel@sollio.coop

QUI EST COLETTE LEBEL
Colette a occupé le poste de directrice des Affaires coopératives chez Sollio Groupe Coopératif. Elle collabore au Coopérateur depuis plus de 20 ans.

colette.lebel@lacoop.coop