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Les producteurs de soya américains, les grands perdants du conflit Trump-Xi Jinping

Photo : iStock

« Les États-Unis étaient un fournisseur privilégié de soya avant que le président Trump ne déclenche sa guerre tarifaire avec la Chine. Il a donné ce marché aux producteurs brésiliens sur un plateau d’argent », explique Darin Newsom, analyste des marchés agricoles basé au Nebraska.

La Chine importe 65 % du soya transigé sur la planète auprès des deux grands fournisseurs que sont les États-Unis et le Brésil. Quelque 30 % des terres cultivées aux États-Unis sont dédiés à la production de soya, et ce grain compte pour 63 % des exportations agricoles américaines dans l’empire du Milieu.

C’était avant la guerre tarifaire que se livre le président américain Donald Trump et le président de la République populaire de Chine Xi Jinping. Ce dernier a rétorqué en imposant des tarifs compensatoires de 25 % sur le soya américain à la mi-juillet 2018.

Un conflit coûteux

Depuis, les exportations annuelles américaines de soya vers la Chine ont fondu de moitié, à environ 15 M Tm. Et celle-ci s’est tournée vers le Brésil et même le Canada pour s’approvisionner en 2018-2019 et en 2019-2020. 

Le président américain a déclenché les hostilités alors que les producteurs américains engrangeaient leur deuxième plus importante récolte de soya de leur histoire, gonflant de 130 % les inventaires. En même temps, la demande chinoise de soya fléchissait en raison de l’épidémie de peste porcine africaine qui a décimé le plus gros cheptel porcin de la planète. 

Ce surplus de soya sur le marché a plombé le prix jusqu’à 8,00 $ US/boisseau. Et pour compenser les agriculteurs du Midwest de sa guerre commerciale, le président américain a octroyé des aides totalisant 23 G$ US, à raison de 1,65 $ US/boisseau de soya ou de 30,00 $ US/ha voire plus de 80,00 $ US/ha, rapporte une étude conjointe des économistes de l’Université de l’Illinois et de l’Ohio.

Forcer la main des Chinois ?

En janvier 2020, le président Trump et Li Xi Ping ont signé une trêve : l’accord commercial Phase 1

Cet accord comptabilise les récriminations américaines envers la Chine — déficit commercial, propriété intellectuelle, transfert de technologie, etc. — et oblige le Goliath asiatique à acheter 200 G$ US de biens américains supplémentaires, dont 36,6 G$ US de denrées américaines, du soya au premier chef.

L’agence Bloomberg rapporte un potentiel de ventes records de soya américain à la Chine en 2020, soit 40 millions de Tm. À la mi-septembre, le département américain de l’Agriculture rapportait, lui, des ventes de 2,6 M Tm de soya en 10 jours. Mais le pari de Donald Trump est loin d’être gagné. 

Ne pas vendre la peau de l’ours…

« Tant que ces achats de soya ne sont pas débarqués dans un port chinois, je n’y crois pas. Ces ventes peuvent être annulées par le Parti communiste pour toutes sortes de raisons, sanitaires par exemple. Vous les Canadiens, vous êtes bien placés pour le comprendre avec la suspension de vos exportations de viande de porc et de canola », explique Bryan Knorr, un analyste des marchés basé à Chicago. 

L’accord Phase 1 comporte aussi une faille énorme. « Il n’y a pas de clause pour interdire les Chinois de s’approvisionner ailleurs en quantité et à meilleur prix. Ceux-ci attendent de voir quelle sera la récolte de soya du Brésil dans les mois qui viennent », poursuit l’expert, alors que le prix du soya a surpassé les 10,50 $ US/boisseau à la Bourse de Chicago.  

Les producteurs de soya américains risquent de pâtir longtemps, surtout si le président Trump est réélu le 3 novembre prochain. Xi Jinping n’a pas l’intention de se faire prendre deux fois au jeu de son rival, alors que la Chine prévoit importer un volume record de 100 M de Tm de soya en 2020-2021.

COFCO, la plus grande compagnie agroalimentaire étatique chinoise, investit massivement dans la production de soya au Brésil. Le géant vert sud-américain possède de vastes quantités de terre et les producteurs y font deux récoltes de soya par an. 

« L’accord Phase 1 du président Trump avec la Chine, vous appelez ça un bon deal vous ? », conclut l’analyste Darin Newsom. 

Nicolas Mesly

QUI EST NICOLAS MESLY
Nicolas Mesly est reporter, photographe et agronome (agroéconomiste). Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de vingt reprises. Il est chroniqueur économique, entre autres à la radio de la Société Radio-Canada.

nicolas@nicolasmesly.com

QUI EST NICOLAS MESLY
Nicolas Mesly est reporter, photographe et agronome (agroéconomiste). Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de vingt reprises. Il est chroniqueur économique, entre autres à la radio de la Société Radio-Canada.